Quels auraient été les mots de mon père, à l’heure de son Grand voyage?
Depuis le départ de mon père, j’apprends à le découvrir autrement: par les souvenirs; par des discussions tenues dans les silences; par le ressenti de son énergie autour de moi. Quand une personne proche décide de s’en aller (décéder, n’est-ce pas décider?), je pense que nous nous sommes tous posés cette question: qu’a-t-il pensé au moment de partir? quels auraient été ses derniers mots? a-t-il souffert?
Lorsque j’ai entendu ce morceau d’Alexandra Stréliski, intitulé “Le Départ”, j’ai à nouveau senti cette force imprévisible me pousser à écrire. Si je sentais mon père proche de moi lors de l’écriture des deux premières chansons, cette fois-ci, il m’enveloppait complètement. Il était là, en moi, à cet endroit où l’on peut ressentir toute énergie. A chaque mot que je posais sur la feuille, une immense guérison survenait; si vous saviez combien j’ai ri et pleuré en même temps! D’un côté, cette sensation de se libérer d’un poids, d’une tristesse; d’un autre côté, cette sensation de reconnaître avec beaucoup d’amour la chance que j’ai eu de l’avoir pour papa.
“Voilà, je suis prêt. Je n’oublie rien.
C’est l’heure je crois. Je me sens bien.
Ca fait bizarre, c’est comme attendre sur un quai de gare,
des gens viennent me voir pour assister à mon départ.
Ne pleure pas, je ne pars pas très loin.
Et puis toutes les belles histoires ont une fin.
Oui, j’ai pris toutes mes valises de souvenirs:
quelques livres, mes lunettes, des clopes, un jeu de cartes et nos rires.
Mes bagages sont légers, mon cœur aussi.
Elles sont belles tes larmes, elles brillent ;
ça fait comme une vieille étoile qui scintille :
quand l’une s’allumait, l’autre partait.
Ne t’en fais pas, je t’assure, tout est parfait.
Fais un gros câlin à tes sœurs, un bec à ta mère.
J’ai pris garde à prendre toutes mes petites misères.
Attends! Je t’ai écrit une lettre sur mes paupières.
Tu la liras quand tu auras besoin de ton père ?
Le jour se fait tard, mon cœur aussi.
Mes parents, enfin… tes grands-parents sont là.
Je crois que le train va bientôt partir.
Je te promets de te prendre encore dans mes bras
entre un battement de cils, des gouttes de pluie, dans un silence, un soupir.
Je me réjouis de te revoir un jour.
En attendant, je t’envoie beaucoup d’amour.
Le temps s’est arrêté.
Mon cœur aussi.“