2. Le Vieillard
2. Le Vieillard
Mon père n’était pas loin; il était même à quelques centimètres de moi à l’heure où les mots de cette chanson me sont venus. Je fermais mes yeux pour revoir les siens ouverts, heureux de mon passage dans la résidence psychogériatrique où il se trouvait; puis pour observer la solitude dans ces mêmes yeux lorsque je m’en allais.
Mon père avait absolument toute sa tête. Il était un génie de beaucoup de choses: de la langue française; de l’Histoire; des échecs (du jeu, comprenez-moi bien). Il avait énormément d’esprit; un humour fin; un sens de la répartie aiguisé. Il était mon père. J’ai pourtant assisté à son départ, en quelque sorte, une fois dans cette résidence. Parce qu’il était loin de tout. Parce que son esprit de liberté (de penser, de mouvement) se trouvait comme pris en cage. Parce qu’il ne voyait le passage des gens qu’il aime qu’occasionnellement. Trop peu. Parce que les personnes de la résidence, hormis les employé(e)s, ne savaient pas lui répondre. Parce qu’il était seul.
En somme, un jeu de quelques lettres (un S pour un E) change absolument tout: personnes âgées, personnes sages. Je pense que notre société, à quelques égards, est simplement effrayée d’être confrontée au côté très éphémère de notre vie. Peut-être cela explique-t-il notre volonté de rassembler les vieilles personnes dans un même endroit? Comme je peux l’exprimer dans cette chanson: ” ils sont atteints d’oubli; je ne parle pas d’Alzheimer “.
Aimons-les, ces mamans, ces papas, ces grands-mamans, ces grands-papas. Ecoutons-les nous parler de leur vie, de la vie toute entière. Ils ont tant à nous apprendre.
Paroles:
“Assis sur un coin du monde, j’observe en silence,
la routine de la ronde, le bal des gens qui passent.
Quand je pense à ma jeunesse, j’ai le cœur printanier,
le temps des premières caresses et des belles amours d’été.
Je suis une feuille d’automne, aux couleurs plus belles qu’hier.
Mais les forces m’abandonnent, mes cheveux sont faits d’hiver.
Ils me regardent peu, ce doit être mon visage,
comme si dans mes yeux, je préparais mes bagages.
Ce ne sont pas des rides mais des plissures de sagesse
moi, je suis la fin de la boucle, celle qu’on délaisse.
Pourtant…
J’ai un livre entier que je pourrais leur lire, il me reste encore quelques pages à écrire, il y a tellement de choses à raconter, des histoires d’amour qui les feraient danser, des instants tragiques ou bien faits de magie, de la joie, de la tristesse, de la nostalgie, mais je reste assis sur un coin du monde, silencieux, ils m’oublient peut-être parce que…
Je suis vieux ? Je suis vieux.
Je suis vieux, je suis vieux.
Tout est désormais ralenti, je suis un arbre centenaire,
je suis atteint d’oubli, je ne parle pas d’Alzheimer.
Les journées comme les nuits, je les vis en solitaire,
je les attendrai aujourd’hui, comme je les attendais hier.
Je pense souvent à mes enfants, ils me manquent même parfois, j’aimerais bien qu’ils prennent le temps, de venir me voir juste quelques fois, histoire d’ôter pour un temps, ce vêtement de solitude et puis si jamais je m’en vais entretemps, dites-leur que j’ai pris de l’altitude et que… je les aime.
Je les aime. Je les aime.”
Belinda Pelicano

Diana Varisco

Camille Châtelain

Lucie Gomez

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